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Garantie des vices cachés : la troisième chambre civile de la Cour de cassation maintient le cap !

Garantie des vices cachés : la troisième chambre civile de la Cour de cassation maintient le cap !

Publié le : 08/04/2022 08 avril avr. 04 2022

Par un nouvel arrêt en date du 16 février 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation entérine sa jurisprudence selon laquelle l’action récursoire du constructeur, fondée sur la garantie des vices cachés, doit être exercée dans un délai de deux ans à compter de la date d’assignation délivrée contre lui par le maître de l’ouvrage ; la prescription quinquennale, courant à compter de la vente initiale, étant suspendue jusqu’à cette même date (Cass, civ 3ème, 16 février 2022, n°20-19.047).

En l’espèce, en 2004, un maître de l’ouvrage a confié à un locateur d’ouvrage la construction d’un bâtiment à usage agricole.

Pour la réalisation des travaux de couverture, le locateur d’ouvrage a acquis des plaques de fibres-ciment auprès d’un fournisseur, qui les a lui-même acquises auprès du fabricant.

Se plaignant de désordres affectant les plaques de fibres-ciment, le maître de l’ouvrage a assigné le constructeur en référé en 2014, puis au fond en 2016, lequel a appelé en garantie son fournisseur, sur le fondement de la garantie des vices cachés, ainsi que le fabricant sur le fondement de l’ancien article 1382 du Code civil.

Devant la Cour d'appel, le fournisseur et le fabricant des plaques de fibres-ciment ont soulevé la prescription de l’action en garantie des vices cachés de l’entrepreneur, en arguant de l’expiration du délai de prescription quinquennale de l’article L.110-4 du Code de commerce courant à compter de la vente initiale.

Les Juges d’appel n’ont pas suivi leur raisonnement puisqu'ils ont, au contraire, jugé que l’action récursoire en garantie des vices cachés formée par le constructeur n’était pas prescrite.

La Cour de cassation a validé le raisonnement des Juges du fond, en rappelant tout d’abord que, vis-à-vis du maître de l’ouvrage, les constructeurs peuvent engager leur responsabilité décennale (article 1792-4-1 du Code civil) et leur responsabilité contractuelle pour vices intermédiaires (article 1792-4-3 du Code civil) pendant un délai de dix ans à compter de la réception des travaux.

La Cour de cassation a ensuite rappelé, d’une façon plus générale, que les vices affectant les matériaux ou les éléments d’équipement mis en œuvre par un constructeur ne constituent pas une cause susceptible de l’exonérer de la responsabilité qu’il encourt à l’égard du maître de l’ouvrage, et ce, quel que soit le fondement de cette responsabilité.

Ce faisant, la Haute juridiction a relevé que, sauf à porter une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge, le constructeur, dont la responsabilité est ainsi engagée à l’égard du maître de l’ouvrage, doit pouvoir exercer une action récursoire contre son fournisseur sur le fondement de la garantie des vices cachés sans voir son action enfermée dans un délai de prescription courant à compter de la vente initiale. 

Il s’ensuit, selon la Cour de cassation, que « l’entrepreneur ne pouvant pas agir contre le vendeur et le fabricant avant d’avoir été lui-même assigné par le maître de l’ouvrage, le point de départ du délai qui lui est imparti par l’article 1648, alinéa 1er, du code civil est constitué par la date de sa propre assignation et que le délai de l’article L.110-4, I, du Code de commerce, courant à compter de la vente, est suspendu jusqu’à ce que sa responsabilité ait été recherchée par le maître de l’ouvrage ».

La solution de l'arrêt rapporté n'est pas inédite puisqu'il s'agit d'une position constante de la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Cass, civ 3ème, 20 octobre 2004, n°02-21576 - Cass, civ 3ème, 6 décembre 2018, n°17-24111).

La solution consacrée a le mérite de favoriser les recours du locateur d’ouvrage et de son assureur.

Il est effectivement patent que le point de départ de l’action récursoire, exercée par un constructeur contre son fournisseur, ne peut être constitué par la date de la connaissance du vice en application de l’article 1648 du Code civil, mais qu’il doit être fixé à la date à laquelle ce constructeur est lui-même assigné devant le Tribunal par le maître de l’ouvrage.

Reste à savoir si la troisième chambre civile fixera le point de départ du délai biennal à l’assignation en référé expertise ou à l’assignation au fond, cette dernière apparaissant plus à-propos.

Ce n'est effectivement que lorsque le constructeur voit sa responsabilité recherchée et qu’une demande indemnitaire est formulée à son encontre qu'il dispose d'un intérêt pour agir contre son fournisseur.

Par cet arrêt, la troisième chambre civile entérine sa jurisprudence divergente de celle de la première chambre civile et de la chambre commerciale de la Cour de cassation concernant la mise en œuvre de ce double délai d'action.

A contre-courant de la troisième chambre civile, ces dernières continuent d'affirmer que le délai biennal de l'article 1648 du Code civil doit être mis en œuvre dans le délai de la prescription quinquennale de l’article L.110-4 du Code de commerce ou de l’article 2224 du Code civil, commençant à courir à compter de la vente initiale (Cass, civ 1ère, 6 juin 2018, n°17-17.438 - Com, 16 janvier 2019, n°17-21.477 - Cass, civ 1ère, 8 avril 2021, n°20-13.493).

 

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